La biodiversité D'Haiti, un patrimoine en voie de disparition


Selon les scientifiques, Haïti est proche d’une extinction de masse de sa biodiversité, avec seulement 1 % restant de ses forêts primaires. Les Haïtiens doivent prendre conscience du danger imminent qui menace la riche biodiversité de leur pays désormais classé sur la Liste rouge Caraïbe des espèces menacées de l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Pour tenter de le faire, la Société Audubon Haïti (SAH) présente, ce mercredi 9 décembre à 19 h au karibe, le documentaire environnemental « Extinction en cours » : un film-choc, surprenant et à voir absolument.

Trois longues années, c’est le temps qu’il a fallu pour tourner « Extinction en cours » sur les plus hauts plateaux et les montagnes encore jamais atteints par l’Homme. Ce documentaire est né d’une collaboration entre l’université de Penn State en Pennsylvanie aux États-Unis, le zoo de Philadelphie et la Société Audubon Haïti (SAH). « Extinction en cours », classé 5eparmi 200 films du genre en 2014, permet de suivre le parcours exaltant d’une équipe de scientifiques et de naturalistes voyageant à pied, en voiture, en bateau et en hélicoptère dans les endroits les plus reculés d’Haïti pour enquêter sur l’état actuel de sa biodiversité et, à leur grande surprise, ils découvrent près de 50 nouvelles espèces et d’autres que l’on croyait disparues.

Les forêts tropicales d’Haïti ont été décimées par la déforestation qui permet au peuple haïtien de se procurer du charbon, source traditionnelle de carburant bon marché pour la cuisson. De 30 % en 1940, la couverture forestière a été réduite a à 10 % en 1970 et, aujourd’hui, à moins de 1 %. Selon la Société Audubon Haïti (SAH), notre pays a la moindre quantité d’aires protégées de tous les pays de la Caraïbe et aucun autre pays au monde n’a plus d’amphibiens menacés d’extinction qu’Haïti. Pourtant, là où la main de l’Homme n’a jamais mis le pied, sur des montagnes à plus de 2600 mètres d’altitude, des forêts vierges accueillent une biodiversité végétale et animale remarquable, y compris des espèces menacées.

Étymologiquement parlant, le terme « biodiversité » vient de la contraction de l’expression anglaise « biological diversity », c’est-à-dire « diversité biologique ». Selon l’article 2 de la Convention sur la diversité biologique, adoptée le 22 mai 1992, la biodiversité se définit par la « variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. »En bref, la biodiversité est l’ensemble des organismes vivants, sur terre et dans l’eau. La vie, partout.

Dans le film, le Dr Blair Hedges, de l’université Temple en Pennsylvanie, conduit une équipe expérimentée pour recueillir des grenouilles en voie de disparition sur les hauts plateaux d’Haïti, pour le zoo de Philadelphie. L’équipe atteint les plus hauts sommets du pays par hélicoptère afin de recueillir des amphibiens dans le parc national Macaya et le massif de la Hotte. Ce film est d’autant plus passionnant qu’il vous entraîne, même la nuit, dans des endroits insolites en découvrant des amphibiens et des reptiles. En altitude, l’endurance de l’équipe est testée par le niveau d’oxygène plus faible, sur un terrain accidenté et les scientifiques sont harcelés par des insectes pendant qu’ils cherchent à recueillir des espèces en voie de disparition. Le résultat est une expérience cinématographique extraordinaire. Sur trois ans, l’équipe du Dr Hedges a découvert près de 50 espèces nouvelles espèces de grenouilles et de reptiles en Haïti.

L’excitation et l’émerveillement provoqués par ces découvertes sont palpables dans le documentaire « Extinction en cours ». « Un des moments les plus gratifiants dans notre vie quotidienne est de trouver un objet perdu, comme des clés de voiture ou un téléphone. Encore mieux est de trouver un billet de vingt dollars oublié dans une poche. Il est aussi tellement excitant de retrouver un animal perdu ou un membre de votre famille que vous n’avez pas vu depuis longtemps. Alors, imaginez comment on se sent quand on trouve une grenouille censée avoir disparu ! », explique le biologiste Carlos Martinez du zoo de Philadelphie. « Ce sentiment inexplicable est exactement ce qui nous avons ressenti lorsque nous avons trouvé la grenouille de Tiburón par exemple. Cette grenouille était censée avoir disparu jusqu’à ce qu’on la redécouvre en 2012 ».

Haïti a beaucoup de chance d’avoir un groupe de professionnels préoccupés par la dégradation de nos écosystèmes et déterminés à contribuer à leur sauvegarde et à leur réhabilitation. Ils ont fondé la Société Audubon Haïti (SAH), à but non lucratif, en juillet 2003. Cette fondation a pour mission de conserver la biodiversité et les écosystèmes naturels d’Haïti à travers la recherche, l’éducation, la sensibilisation, le plaidoyer et des partenariats locaux et internationaux.

Le partenariat que la SAH a établi avec le zoo de Philadelphie est une rare opportunité pour la biodiversité d’Haïti. « Comme nous avons des ressources financières très limitées, à travers notre partenariat le zoo de Philadelphiea accepté d’héberger un programme de reproduction des amphibiens en voie de disparition avec l’espoir de les réintroduire dans leur habitat naturel, en Haïti, dans le futur », révèle Philippe Bayard, Président et membre fondateur de la SAH. Ainsi, des échantillons d’ADN d’amphibiens et de reptiles menacés sont conservés dans un laboratoire cryogénique. La cryoconservation a pour but de suspendre l’évolution des cellules et de pouvoir les remettre en mouvement par la suite. Dans le film, produit par le Dr Blaire Hedges et le cinéaste Jürgen Hoppe, ils ont pris le soin de mettre en valeur cet aspect de l’effort de conservation, qui est expliqué à travers des entrevues avec les zoologistes et techniciens travaillant dans ces programmes à l’université Temple de Pennsylvannie. 

« Extinction en cours » présente une vision globale de ce qui est nécessaire pour préserver la biodiversité en Haïti. « Nous devons absolument choisir aujourd’hui le mode de vie que nous voulons avoir », insiste Philippe Bayard. « Nous avons pour devoir de préserver la richesse de notre biodiversité unique, pour nous-mêmes, mais surtout pour les générations futures », plaide-t-il. « Pour cela, il nous faut une vision à court, moyen et long terme pour protéger et conserver cette biodiversité, car la terre est une ressource que Dieu ne fabrique plus », avertit-il.
Nancy Roc, Accra, Ghana, le 7 décembre 2015













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